Il faut l’avouer : la viande fait partie des grandes controverses de la nutrition. La viande rouge semble avoir mauvaise presse, mais nombreux restent confus à son égard. Toutes les morceaux de viande se valent-ils ? Devrions-nous devenir végétariens comme l’avancent certains ?
S’il n’y a pas de réponse évidente à ces questions, il y a probablement de nombreuses choses que l’on ne vous a pas dit au sujet de la viande…
Voyons-les ensemble !
Qu’a-t-on fait des organes, de la peau, des tendons, des os… ?
Une tendance étrange s’est installée en occident : quand on mange de la viande, on ne mange plus que les muscles de l’animal. Je ne sais pas si c’est parce que l’on croit que le muscle est plus noble, ou meilleur, ou encore plus facile à manger, ou si c’est pour une toute autre raison, mais le fait est que nous délaissons aujourd’hui clairement le reste de l’animal : foie, reins, intestins, pieds, tendons, cartilage, os, yeux, pancréas, queue…

Pourtant, la consommation des abats a toujours fait partie intégrante des cultures omnivores. Et ce dans les 4 coins du monde. La nourriture étant précieuse, il est assez logique de consommer l’animal que l’on a tué dans son intégralité1.
D’ailleurs, aucun autre animal que l’homme ne se contente du muscle et délaisse le reste…
Cette nouvelle tendance pourrait-elle être en partie responsable de nos problèmes de santé et de cette mauvaise réputation attribuée à la viande ?
Méthionine VS Glycine
La viande musculaire est riche en méthionine (un acide aminé). Inversement, les parties souvent négligées de l’animal, comme la peau, les os, les tendons et le tissu conjonctif, sont pauvres en méthionine mais riches en glycine (un autre acide aminé). En fonction des morceaux que l’on choisi, on va donc privilégier l’un ou l’autre de ces acides aminés. Et les conséquences sont probablement plus importantes que ce que l’on ne pourrait le penser.
D’une part, un apport élevé en méthionine augmente vos besoins en vitamine B12, vitamine B6, folate, choline et bétaïne, qui aident à neutraliser l’homocystéine. Cette molécule est l’un des sous-produits de la méthionine. L’homocystéine est supposé nocive car notamment associée à des pathologies cardiaques.
De l’autre, la méthionine peut drainer les réserves de glycine de votre corps. Cette dernière joue de nombreux rôles clés dans l’organisme. Par conséquent, si vous suivez un régime alimentaire riche en viande musculaire sans manger le reste de l’animal, votre rapport méthionine / glycine sera trop élevé. Il faut donc manger les animaux « de la tête aux pieds » si vous voulez équilibrer les choses.
Curieusement, dans les modèles animaux, la restriction en méthionine a les mêmes propriétés de prolongation de la vie que la restriction calorique23. Et chez certaines races de rats, des avantages identiques découleraient de l’ajout de glycine à un régime à haute teneur en méthionine. Autrement dit, la consommation d’abats (la peau, les os, les tendons, la gélatine et le tissu conjonctif) permettrait (via la glycine) de compenser les méfaits de la consommation de muscle (causés par la méthionine et/ou son sous produit l’homocystéine). Mais rien ne nous dit vraiment ce qu’il en est pour l’homme.

Dans certaines études sur les animaux, un régime pauvre en méthionine s’est montré efficace contre certains cancers4. Étant donné que les protéines végétales contiennent bien moins de méthionine que les protéines animales, cela expliquerait peut-être pourquoi un régime vegan pourrait être une bonne idée contre le cancer5. Notamment, certaines études in-vitro se montrent également encourageantes pour l’homme67.
Sources alimentaires de méthionine
Toutes les sources alimentaires de protéines contiennent de la méthionine. Mais la proportion, elle, varie énormément.
Voici un tableau indicatif :
Aliments | mg de méthionine / 100g |
Noix du brésil | 1124 |
Noix | 1120 |
Boeuf (muscle) | 980 |
Parmesan | 960 |
Gruyère | 960 |
Poulet (muscle) | 920 |
Porc (muscle) | 850 |
Poisson | 835 |
Graines de sésame | 585 |
Soja | 535 |
Oeuf dur | 390 |
Tofu | 211 |
Haricots en grain | 146 |
Quinoa | 96 |
Lait | 88 |
Attention : il s’agit de modérer l’apport de méthionine en variant son alimentation, mais il ne sert à rien de vouloir l’éviter complètement. En effet, la méthionine rempli de nombreux rôle essentiels : elle contribue notamment à la formation de glutathion (un antioxydant puissant), de taurine, créatinine et autres.
Et puis surtout : une étude8 a comparé le taux de méthionine dans le sang entre les mangeurs de viande, les mangeurs de poisson, les vegans et les végétaliens. Résultats : ce sont les végétariens qui avaient le taux le plus élevé, puis les mangeurs de poisson, puis les les mangeurs de viande. Mais mis à part les vegans dont le taux était bien plus faible, les valeurs étaient très proches. Cela suppose qu’il n’y a pas nécessairement un lien direct et évident entre la consommation de méthionine et les niveaux dans le sang. (Ou alors est-ce que cela pourrait venir de la légère surconsommation de produits laitiers que montrent les végétariens ?)

Voilà, si vous avez commencé à apprendre par cœur le tableau ci-dessus avec la quantité de méthionine par aliment, vous pouvez l’oublier XD. Cela dit, vous avez raison d’exercer votre mémoire.
Méthionine et homocystéine
Comme vu précédemment, l’acide aminé méthionine participe à la synthèse de l’homocystéine. Et il semblerait qu’un taux élevé d’homocystéine soit associé un plus grand risque d’accidents cardiovasculaire.
Pour autant, il ne semblerait pas que les interventions visant à réduire le taux d’homocystéine diminuent les risques d’accidents cardio-vasculaires9.
La vitamin B12, l’acide folique, et la vitamine B6 peuvent, lorsqu’ils viennent à manquer, provoquer des taux d’homocystéine trop élevés. Cela expliquerait pourquoi les végétariens et le vegans, qui consomment pourtant de plus petites quantités de méthionine mais qui manquent de vitamine B12, ont une concentration sanguine en homocystéine plus élevée que les omnivores10.

Une fois encore : d’autres recherches ont même pu montrer qu’augmenter sa consommation en méthionine n’augmente pas nécessairement le taux d’homocystéine11.
En bref, la méthionine à elle seule ne semble pas être responsable d’un excès d’homocystéine. Mais plus de recherches méritent d’être menées sur ce sujet encore bien incompris.
Qu’en conclure ?

N’aller pas conclure de cet article qu’il faut éviter la méthionine et privilégier la glycine autant que possible. Le message que j’essaye de faire passer est que la recommandation d’avoir une alimentation variée s’applique aussi pour la viande. Chaque partie de l’animal contient des vitamines, minéraux et autres nutriments en différentes quantités. En variant son alimentation, on diminue le risque de subir un déséquilibre.
Et cela vaut pour le gras animal, qui, lorsque la viande est de qualité, représente une excellente source d’énergie.
Et puis les abats ou morceaux de second choix sont souvent peu chers et délicieux, alors pourquoi s’en priver ? Par exemple, si vous prenez des ailes de poulet, c’est beaucoup moins cher que le blanc ou la cuisse. Avec des ailes de poulet, vous pouvez manger :
- de la chair / du muscle
- de la peau
- des tendons
- du cartilage
- faire un bouillon avec les os
Qui dit mieux ? XD
Et vous, mangez-vous des abats ? Si oui, pour des raisons de goût ou de santé ? Laissez-moi un petit mots dans les commentaires ci-dessous, je vous lirai avec grand plaisir.
- Ce passage ainsi que la partie suivante sont inspirés du chapitre « Meet the meat » du livre Death by food pyramid de Denise Minger.
- Mitochondrial oxidative stress, aging and caloric restriction : The protein and methionine connection
- Nutritional control of aging
- A review of methionine dependency and the role of methionine restriction in cancer growth control and life-span extension
- A review of methionine dependency and the role of methionine restriction in cancer growth control and life-span extension
- Methionine restriction activates the retrograde response and confers both stress tolerance and lifespan extension to yeast, mouse and human cells
- Methionine restriction slows down senescence in human diploid fibroblasts
- Plasma concentrations and intakes of amino acids in male meat-eaters, fish-eaters, vegetarians and vegans : a cross-sectional analysis in the EPIC-Oxford cohort
- Homocysteine lowering interventions for preventing cardiovascular events
- Homocysteine levels in vegetarians versus omnivores
- Fluctuations in dietary methionine intake do not alter plasma homocysteine concentration in healthy men
Merci pour ces explications! Ca rejoint les explications de ma nutritionniste qui conseille de manger les arêtes des sardines avec le reste, pour augmenter les apports en Oméga 3. Ce qu’on pense être un rebut est parfois bon!
Je reste fan de ton blog et de tes réflexions, Stéphane!
Oui et toutes façons les arrêtes des sardines sont trop petites, c’est tellement plus simple de les manger 😀
Merci pour les encouragements !